Créativité et projets photo

Quel photographe êtes-vous ? A la recherche d’une expression personnelle à travers la photographie

Nous adorons vous emmener en stage ou en voyage photo, vous faire découvrir de nouvelles techniques de prise de vue, des « spots » uniques, être là au bon moment, dans les belles lumières… Bref réunir toutes les conditions pour que vous rameniez de belles photos.
Et bien sûr, de séjour en séjour, vous, comme nous, ramenez de belles photos. Nous en avons des disques durs remplis. Nous sommes – et nous, photographes accompagnateurs d’Un Oeil sur la Nature inclus – devant une accumulation de fichiers Raw que nous n’avons souvent pas le temps de traiter. Pas le temps de prendre du recul sur nos images pour nous demander ce qu’elles contiennent, vraiment.

Alors vient la question : au-delà du plaisir du voyage et des instants photographiques, que faisons-nous de nos photos ? Que disent-elles de nous ? De notre façon singulière, personnelle, de voir le monde ?

Car au fond, n’est-ce pas cela l’essence de la photo : un moyen d’expression personnelle, une façon d’être présent au monde, de ressentir et d’exprimer en images notre vision, nos émotions ? Une démarche très personnelle en somme, qu’il est difficile d’approfondir dans nos formules de stages collectifs.

C’est ainsi qu’est née l’envie de vous proposer un autre concept de séjour photo, centré cette fois sur le photographe et sa démarche personnelle. Un stage « projet photo », pour prendre du recul sur sa pratique, et développer une expression personnelle qui donne du sens à nos images.
Derrière cette idée se cache une autre approche de la photo, voyons plus en détail de quoi il retourne !

Expression personnelle et créativité : au-delà de la technique

Dans un environnement où les likes, les algorithmes ou encore les concours photo nous incitent à faire des « photos qui plaisent » ou à chercher « la bonne photo », il nous semble essentiel de remettre l’accent sur l’essence de la photographie : une forme d’expression personnelle, intime et profondément humaine.

La photographe Sandra Bartocha, dans une de ses conférences intitulée « A propos de l’expression personnelle, de la créativité et de l’essence du paysage » exprime très bien cette évolution de sa pratique : « Au début, je photographiais comme tout le monde, des beaux paysages, des couchers de soleil en pose longue, etc. Un jour au cours d’une de mes expositions une amie photographe m’a dit « tes photos sont très belles, mais elles sont tellement ennuyeuses ! ». J’ai pris conscience que je devais changer d’approche : à quoi sert ma photo si elle montre juste ce que tout le monde verrait au même endroit ? Si elle n’exprime pas véritablement ce que je ressens ? »

Guy Tal, Photographe américain lui aussi auteur de plusieurs ouvrages de réflexion sur la photo et la création artistique, décrit dans un de ses livres la même sensation d’ennui devant sa pratique se résumant à un catalogue de belles photos. Comment donner du sens à sa pratique ?

Les limites de la représentation esthétique du réel

Guy Tal souligne que la recherche purement esthétique nous conduit à porter un regard sans cesse évaluatif sur le réel, au final très partiel et souvent superficiel puisqu’il ne s’attarde que sur l’esthétique qui « mérite » notre attention.
Cette approche a selon lui un autre effet pervers : elle nous enferme dans des modèles de représentation esthétique du réel assez conventionnels, et nous éloigne d’une expression plus personnelle et créative car nous nous contentons de reproduire des schémas, des recettes techniques éprouvées. Satisfaisante et gratifiante à court terme, cette approche risque de conduire à une lassitude photographique à moyen terme.

Le premier acte serait donc de commencer à « voir » différemment.

Photographier avec intention

David DuChemin, photographe canadien auteur de plusieurs livres sur l’expression du photographe, ne cesse de le rappeler : « la photographie est d’abord un acte de vision ». Ce n’est pas l’appareil qui voit, c’est le photographe. Trop souvent, on se perd dans la course au matériel ou aux images « impressionnantes ». Or, ce qui donne une âme à une photo, ce n’est pas son impact visuel immédiat, mais sa capacité à transmettre une émotion, une idée, une histoire.
Photographier avec intention, c’est prendre le temps de se demander pourquoi on cadre ainsi, ce qu’on veut dire, ce qu’on ressent. C’est vouloir dire quelque chose, pas juste montrer. C’est une démarche consciente, presque méditative. Cela implique parfois de s’éloigner des sentiers battus et des « spots » à la mode, de photographier non pas ce qui est populaire, mais ce qui résonne en nous.
Dès lors tout peut devenir sujet, même le banal qui fait notre quotidien et que nous ne voyons plus.

Ecoutons Réza : « Il n’y a pas de petit ou de grand sujet en photo. Tous les sujets sont grands.
Tout est un challenge : faire une photo que personne n’a vue. Et ça existe tous les jours devant nous. Le plus dur est d’apprendre à voir ».

Vers une interprétation personnelle

Guy Tal a formalisé cette conception par la notion de « photographie expressive » : dédiée à une expression personnelle de nos ressentis, plutôt qu’une photographie représentative du réel.
Le réel devient le support de notre récit, de notre interprétation du monde. Au-delà du sujet lui-même, la photo vise alors à suggérer, évoquer, exprimer l’intention du photographe, l’émotion qu’il cherche à transmettre. Et de conclure : « Mon art n’a pas besoin de plaire, il a besoin de dire quelque chose de vrai pour moi. »

C’est une approche libératrice, qui nous permet de lâcher prise sur les attentes extérieures et sur l’injonction souvent faite à nous-même de « ramener de belles photos », pour nous reconnecter à notre propre voix.
Cela suppose d’être pleinement présent dans l’instant, de ralentir, de recevoir sans juger, de pratiquer une photo plus intuitive, proche de ses émotions. Sophie Howarth développe cette approche dans son ouvrage « Slow photo. Photographier en pleine conscience ».

Henri Cartier-Bresson exprime une idée très proche en parlant de sa pratique : « La photographie n’est pas un documentaire, mais une intuition, une expérience poétique. C’est se noyer, se dissoudre, puis renifler, renifler, renifler, être sensible à la coïncidence. Vous ne pouvez pas aller le chercher : vous ne pouvez pas le vouloir, ou vous ne l’obtiendrez pas. Vous devez d’abord vous perdre. Ensuite seulement, ça arrive. »

Et la créativité ?

Voilà un mot qui dérange, voire qui fait peur car nous abordons la créativité comme une évaluation de l’originalité. Cela conduit à des postures du genre « c’est du déjà vu, il n’y a rien d’original là-dedans » ou « moi je n’ai pas vraiment d’idées, je ne suis pas une personne créative ». Comme si la créativité était un don réservé à certaines personnes. Ou comme si créer se limitait l’invention de choses nouvelles. Peu d’artistes ont la capacité de créer des formes d’expression radicalement nouvelles (peinture, musique, photo…), ce qui n’empêche pas tous les artistes de créer.
David Duchemin dans son livre « Start Ugly – Le chemin inattendu pour une créativité au quotidien », propose une approche plus décomplexée : « Vous pensez ne pas être des créatifs ? Très bien. Mais acceptez de vous considérer comme des créateurs. Car le simple fait de poser votre cadre photo ici plutôt que là est déjà un acte de création ». Cela ouvre des questions intéressantes sur notre façon de faire des photos, sur le processus plutôt que sur le résultat.

En matière de créativité, chercher à être original ne mène à rien, pas plus que chercher à avoir un « style ». Sandra Bartocha pose un regard lucide sur la question : « je n’ai jamais cherché à être créative, à faire des images originales. J’ai juste essayé de capturer ce que je ressens et la façon dont je perçois la nature ».
Bien sûr, chercher une expression personnelle juste peut être une recherche exigeante, nécessitant du temps, des essais multiples, des ratés nombreux, et parfois l’apprentissage de nouvelles techniques… Expérimenter des choses nouvelles est indissociable de l’idée de création.

La question intéressante est donc dans le processus, la façon dont nous « fabriquons » nos photos, du premier regard aux images finales. A ce sujet, les photographes sont souvent démunis, voire embarqués sur de mauvaises pistes : si le Web fourmille de recettes pour « faire des photos Whaou », de tutoriels de post-prod et autres presets magiques pour vous donner un style, on ne trouve pas grand chose sur la façon de développer une expression personnelle en photo.

Pourtant la nature du processus créatif a été étudiée, on connait un peu mieux ses composantes clés, ses étapes : autant de choses qui permettent d’avoir des repères, et de développer une démarche de travail favorisant la création. Tous les artistes ont ainsi développé leur méthode de travail. La créativité n’est ni innée ni facile, mais elle est à portée de chacun : elle nécessite un apprentissage de méthodes de travail et un investissement personnel.

C’est ici que la notion de projet photographique prend tout son sens.

Le projet photo : une voie vers l’expression personnelle et la découverte de soi

Un projet photo, c’est un temps que vous consacrez à un sujet donné pour raconter en images la façon dont vous le percevez, ce qu’il évoque pour vous.

C’est une démarche qui commence par la recherche d’un sujet et de la façon dont vous allez le traiter, se poursuit par une phase de réalisation, jusqu’à l’édition finale de votre sélection de photos.

C’est une autre façon de pratiquer la photo : ce n’est pas une chasse à l’image rare ou parfaite, c’est un espace d’exploration et d’expérimentation, de découverte de soi et de construction patiente de sens.

C’est une aventure personnelle : c’est une exploration intérieure autant que celle du sujet. Vous ne savez pas vraiment où elle vous mènera, vous le découvrez en chemin, comme si le récit se révélait à vous à mesure que vous l’écriviez.

C’est une façon de donner du sens à vos photos : penser la photographie en série, et non comme une compilation de vos plus belles photos, vous amène à construire un récit, chercher une cohérence, un rythme… et à découvrir les photos qui ont le plus de sens pour vous.

Len Metcalf, photographe australien, développe une école de photo centrée sur l’expression personnelle et les projets photo. Voici ce qu’il en dit : « Notre cerveau aime les projets : le projet lui donne une direction, quelque chose sur lequel nous concentrer mentalement, qui amène à une vision plus profonde, plus créative. Tout projet commence par une exploration : sur un lieu, une idée, un sujet qui me touche, me fascine… au début on ne sait pas où on va. L’essentiel est de s’engager à fond dans cette exploration. Mais il faut du temps pour s’écarter des photos « évidentes », pour changer de focus et se demander « qu’est-ce qui réellement m’attire ici ? quel sens a ce lieu pour moi, plus en profondeur ?». C’est ainsi qu’en regardant plus profondément, intimement le sujet, je fais des photos plus expressives, plus personnelles, qui me montrent davantage qui je suis en tant que personne : aller dans l’intimité du sujet, c’est aussi explorer mon intimité ».

Un stage projet photo avec Un Œil sur la Nature.

Toutes ces réflexions nous ont conduits à imaginer un stage photo entièrement consacré à la réalisation de projets photo. Nous avons pour cela formalisé une méthodologie pour vous accompagner au fil des étapes de la réalisation d’un projet, de la recherche d’une idée à l’exploration d’un sujet selon votre sensibilité, jusqu’à la sélection d’une série de photos les plus fortes, celles qui auront le plus de sens pour vous.

Vous séjournerez six jours « en résidence » dans un lieu où vous aurez le temps pour :
– prendre du recul sur votre pratique photo, sur ce qui vous motive ou vous questionne,
– vivre une expérience collective forte avec d’autres photographes
– découvrir et mettre en oeuvre une méthode pour réaliser un projet photo,
– réaliser un projet photo personnel sur un sujet de votre choix
– enrichir votre pratique de la photo et vous donner envie de réaliser de futurs projets.

Après deux sessions de ce stage de formation au projet photo, nous sommes convaincus d’une chose : l’important est d’oser se lancer, les résultats sont toujours surprenants !

Loïc

Paroles de stagiaires :
« Un stage hors des sentiers battus conçu comme une vraie formation-action, qui permet de s’interroger sur sa pratique photographique et qui encourage à évoluer et à progresser ! » François
« Ce stage a largement répondu à ce que j’attendais et même au-delà ! La démarche créative présentée expliquée pas à pas et l’illustration par de nombreux exemples m’ont aidé à progresser vers des photos beaucoup plus personnelles. Clairement, il y aura un avant et un après ». Marie


Photos : extrait de la série « Lisières », Loïc Perron.
Entre 2021 et 2022, je reste un an quasiment sans marcher. Je reste par obligation en bord de route, à la lisière. Et puisque pour un temps les lisières sont mon seul horizon, j’apprends à regarder ce qu’autrefois j’ignorais.

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