Mi-mars, je retrouve avec grand plaisir la presqu’île de Crozon pour les grandes marées du mois.
Les courageux qui ont osé faire comme moi le pari du gros temps et des vagues pour ces tout premiers jours du printemps n’ont pas été déçus ! Ciels chargés, vent, belles vagues sont au rendez-vous !
L’idée de ce stage photo en Bretagne est d’aller à l’inverse d’une itinérance « de spot en spot » : choisir de rester cinq jours sur le petit périmètre de la presqu’île de Crozon, pour mieux « ressentir » le lieu et traduire en images nos émotions face aux variations infinies de la mer. Pouvoir revenir, se donner le temps, c’est une des clés pour commencer à « voir autrement ».

Plages de sable et leurs motifs à marée basse, côtes rocheuses et falaises spectaculaires, plages de galets colorés, vieilles épaves : tout ici est réuni pour le plaisir du photographe !

 

Plaisir des poses longues face à la mer

Sérénité des pastels du matin sur la plage, ou au contraire flamboiement d’un coucher se reflétant dans les flaques… Nous commençons par une approche classique des paysages de mer, ici c’est un régal !

Les vagues sur les rochers sont bien sûr l’occasion d’expérimenter les techniques de pose longue en variant les temps de pose pour obtenir des effets différents : une demi-seconde, deux secondes, 30 secondes ou plusieurs minutes de pose, les stagiaires deviennent des experts des filtres ND ! En effet il faut un peu de pratique pour trouver un bon cadrage, installer son trépied au milieu des rochers ou les pieds dans l’eau, choisir le filtre approprié et régler ses mesures d’exposition, le tout avec la mer qui monte et les vagues qui menacent, ou au contraire la mer qui descend et l’eau qui très vite n’atteint plus le premier plan… Un jeu qui se solde souvent par un photographe téméraire aspergé et une bonne rigolade !

Rangeons les trépieds, vive l’ICM !

Avec les gros coefficients de marée et une forte houle en mer, les vagues sont saisissantes, au sens premier du terme : chacun se laisse captiver par le spectacle, nous ne sommes pas pressés, nous avons aussi le temps de la contemplation !

Mais que diriez-vous d’un petit atelier « photo de vague » ? Nous délaissons les trépieds trop encombrants face à l’énergie et l’imprévisibilité des vagues. Je propose une séance au téléobjectif, à main levée pour mieux saisir l’instant au cœur des vagues.

La première idée est de privilégier une vitesse rapide (autour du 1/1000ème de sec) pour figer le mouvement des vagues.

Mais il serait dommage d’en rester là : une pose plus lente (à partir du 1/10ème de sec et plus long) accompagnée d’un mouvement de l’appareil photo peuvent aussi magnifiquement retranscrire l’énergie et la puissance graphique des vagues. C’est le principe de base de la technique de « l’ICM » (pour intentional camera movement). Classique quand on suit l’horizon marin d’un mouvement transversal (effet de « filé »), la technique est plus aléatoire quand on varie le sens des mouvements de l’appareil pour accompagner le mouvement de la vague… Un exercice qui demande pas mal de tests et de pratique, pour des résultats parfois surprenants !

Presqu’île de Crozon, une histoire de marins…

La presqu’île a bien sûr une riche histoire maritime qui marque les lieux : dans le port de Camaret, les fringants voiliers de plaisance s’alignent face à quelques vénérables langoustiers allongés au pied de la tour Vauban. Les coques de ces bateaux, mélange de boiseries éreintées, de rouille et de peintures passées, constituent un sujet inépuisable de photo, et nous ne nous en privons pas !
Ces bateaux m’évoquent avec force les tableaux d’Anthony Amos, talentueux peintre de marine britannique récemment disparu.

Anthony Amos

Cette évocation m’a amené à chercher en photo une représentation moins littérale, moins descriptive de ces bateaux. Avant l’arrivée des stagiaires, j’ai eu le temps d’une séance d’essai en ICM – ou mouvement d’appareil à main levée – qui m’a donné des résultats intéressants, que je partage avec le groupe de photographes : tout le monde est emballé de cette nouvelle idée, et c’est parti pour une nouvelle séance !

 

Le port de Camaret avec son petit phare au bout de la jetée offre aussi un beau sujet de photo. Pourquoi ne pas expérimenter ici aussi les flous de bouger ? Sur ces sujets, je présente aux photographes du groupe quelques images d’Erik Malm, photographe suédois qui a développé une maîtrise particulière de l’ICM combinant un sujet « quasi net » et un ensemble flou puissamment texturé. Sa technique reste encore mystérieuse pour moi, mais l’association « net + flou » est aussi intrigante que stimulante ! Là aussi, j’ai fait quelques essais – en fait, pendant plusieurs jours dans un autre contexte – dont je présente les résultats au groupe et les bases techniques que j’en ai tirées. L’idée est d’augmenter encore le temps de pose au delà d’une seconde et de rechercher par des flous de bouger un rendu pictural avec plus ou moins de net, voire franchement impressionniste, où le sujet se fond dans la matière. Pourquoi ne pas s’y essayer ?

En conclusion…

Que retenir de cet atelier photo de mer ? Nous avons abordé beaucoup de sujets, expérimenté pas mal de techniques photographiques, certaines maîtrisables avec un peu de pratique (poses longues, panoramiques à l’heure bleue, post-production sous Lightroom et Photoshop…), d’autres plus aléatoires voire expérimentales… L’essentiel est là : d’une part faire l’apprentissage de nouvelles techniques, d’autre part explorer des choses nouvelles avec curiosité, oser jouer en terrain inconnu, trouver le plaisir d’une liberté d’expression … même si les résultats ne sont pas immédiatement convaincants pour tous c’est sans importance, l’idée fait son chemin et sera à poursuivre ailleurs, sous d’autres formes !

Dans un prochain post, les photos des stagiaires !