les pseudo-yeux sur un Ophrys drumana

Stage photo orchidées - Retour de séjour

Découvrir et photographier les orchidées sauvages

Fidèle à notre positionnement naturaliste, ce stage photo sur les orchidées combine à la fois l’approche photographique, sur les aspects techniques ou artistiques et l’acquisition de connaissances botaniques. Ainsi, au cours des trois journées de ce stage photo, nous avons passé du temps à observer les orchidées et découvrir pourquoi cette famille est un peu à part dans le monde végétal. Tour à tour, nous avons abordé des notions purement botaniques sur l’anatomie bien particulière des fleurs et des notions d’évolution entre espèces quand il s’agit de la relation avec l’insecte pollinisateur. En élargissant un peu le champ, nous nous sommes intéressés au biotope en abordant ce qu’est une « prairie sèche » ou « prairie maigre ». Comprendre un peu mieux la gestion et les enjeux liés à la conservation de ces écosystèmes très riches en biodiversité est passionnant. Entre Drôme et Ardèche, nous avons visité quatre sites remarquables à bien des égards, ce qui nous a permis de contempler et photographier 21 espèces d’orchidées et au moins 7 hybrides !

Démarrage en douceur

Nous nous retrouvons sur le premier site, en nord Ardèche et tout proche de Valence. Dans la prairie à brome (une graminée qui est un marqueur de prairies maigres propices aux orchidées) se trouvent principalement cinq espèces, parmi lesquelles la Neotinea tridentata. Cette orchidée est relativement rare en France et pour cette raison elle est inscrite en liste rouge comme espèce protégée. Ici elle est localement abondante, dans une belle variété de teintes rosées. Elle est accompagnée d’Ophrys fuciflora, Orchis militaris, Orchis simia et Anacamptis pyramidalis.

Neotinea tridentata

Nous redoutons un peu la pluie (le ciel est bien menaçant) et nous subissons le vent de nord. Alors nous changeons de versant pour rejoindre une zone plus protégée et exposée plein sud. De ce côté, la prairie cède la place à une quasi garrigue, dominée par l’Aphyllanthe de Montpellier et ses délicates fleurs bleues. Le milieu est bien plus sec et la roche marneuse affleure. Très vite, sur le sentier, nous trouvons les premiers Ophrys drumana que nous observerons en grande quantité plus tard, ainsi que quelques Ophrys apifera. Un peu plus bas, ici et là, des Ophrys fuciflora sont très différents les uns des autres et les quelques Ophrys lutea sont déjà fanés. Mais la rareté sur ce spot, ce sont les cinq ou six pieds de Serapias vomacera, en pleine floraison. Cette orchidée entièrement brun-pourpre est plutôt rare en Rhône-Alpes. Le soleil brille fort désormais et comme il est presque midi, la lumière est puissante : l’occasion est parfaite pour démontrer les bienfaits de l’usage d’un diffuseur pour modeler la lumière et gérer l’exposition de sa photo en jouant sur une différence d’exposition entre sujet et arrière-plan.

Ophrys apifera, Serapias vomacera & Ophrys fuciflora

Direction la Drôme des collines

Après une pause pique-nique bien méritée, nous quittons l’Ardèche pour le département voisin de la Drôme. Une demi-heure de route et nous nous retrouvons dans un sous-bois clair dominé par des chênes pubescents et quelques pins sylvestres. Le cortège des orchidées est assez différent. Dans les zones les plus ouvertes poussent ici des dizaines d’Ophrys drumana, le bien nommé Ophrys de la Drôme. Une fois de plus il s’agit d’une espèce localement abondante mais protégée en France. Cette fleur est magnifique et dans ce petit coin, elle s’hybride avec Ophrys insectifera pour donner naissance à des spécimens très originaux et également superbes. Les différentes espèces d’Orchis sont également bien présentes, ainsi que les plus discrets Limodorum abortivum et Platanthera bifolia. Nous passons ainsi le reste de l’après-midi à photographier sous tous les angles ces orchidées, ainsi que quelques « bestioles » dont des ascalaphes soufrés pour une fois pas trop actifs et une belle araignée thomise jaune vif!

Ophrys drumana & ses hybrides avec Ophrys insectifera


Limodorum abortivum

Le paradis des orchidées

Pour ce second jour, la météo n’est clairement pas au top. Il a plu une bonne partie de la nuit et ce matin, les nuages bas accrochent les contreforts ouest du Vercors. Peu importe, le groupe est archi motivé et un peu avant 9h, nous sommes garés devant l’une des Mecque des orchidophiles ! Dès les premiers mètres de marche, nous faisons une pause et nous sortons le matériel photo. De beaux hybrides entre les Orchis simia et Orchis anthropophora se présentent en contrebas du chemin, accompagnés de grands Orchis purpurea. Une première averse donne le ton de la matinée : humide ! Qu’importe, nous poursuivons, observations et photographie d’orchidées s’enchaînent. Toujours ce bel hybride simia x anthropophora, des dizaines d’Orchis militaris et purpurea, ce qui inévitablement amène aussi à des formes hybrides. Puis nous arrivons dans le domaine des Ophrys. Le drumana domine, avec quelques Ophrys fuciflora et des Ophrys araneola en fin de floraison. Un mini drumana hypochrome (l’équivalent de l’albinisme chez les plantes) puis un hybride drumana x araneola apportent de l’originalité. Un peu plus loin, c’est le coin des Orchis mascula et Orchis provincialis, avec inévitablement des individus un peu à la croisée de ces deux espèces assez proches. Puis c’est la prairie des Ophrys fuciflora. Il y en a des dizaines, avec ce polymorphisme qui caractérise cette espèce. Ici et là nous photographions de très beaux hybrides avec Ophrys drumana.

Ophrys drumana


Ophrys drumana, Ophrys fuciflora & l’hybride au milieu

Une précieuse orchidée hybride

Alors que nous croisons quelques autres passionnés pas rebutés par le temp maussade, je conduis mon petit groupe vers l’un des joyaux de cette combe : un hybride probablement unique au monde, entre Ophrys drumana et Ophrys speculum. Quelle fleur incroyable !

Il est temps de manger, mais une nouvelle averse un peu plus forte nous oblige à nous replier sous un pin. Nous installons à la hâte la toile du tarp que j’avais eu la bonne idée d’emmener : nous pouvons nous rassasier presque à l’abri. L’après-midi, notre stage photo orchidées se poursuit sur la partie amont de ce vallon mythique. Toujours des Ophrys fuciflora et drumana de partout, sans compter les divers Orchis. Il faut faire attention où l’on marche. Passage devant les stars du vallon : quelques Ophrys fuciflora aberrants dont la mutation génétique conduit les pétales à devenir des sortes de labelles. En chemin, nous découvrons la nouveauté du cru 2023 de ce spot réputé : un pied d’Ophrys incubacea ! C’est assez incroyable car cette espèce est franchement méditerranéenne et nous sommes bien au nord de son aire normale de répartition, mais ce vallon n’en est pas à son premier miracle orchidophile… Comme hier, le retour du soleil nous incite à sortir les diffuseurs pour casser cette lumière trop dure. Nous jouons avec les arrières plans pour obtenir de beaux flous. Une partie du groupe s’essaye à des images en high-key sur fond blanc ou en se plaçant en contre-plongée avec des nuages lumineux. J’incite les participants à tenter des cadrages un peu moins conventionnels, à jouer avec la très faible profondeur de champ. Mais la beauté et l’immense diversité des orchidées nous donne également envie de « simplement » collectionner les fleurs, comme on ferait un bouquet.

hybride Ophrys speculum x O. drumana, Ophrys incubacea & Ophrys fuciflora labellisé

Il n’y a pas que les orchidées en stage photo…

Pour ce dernier jour, nous partons plus au sud et traversons le Rhône pour retrouver l’Ardèche. Sur d’anciennes terrasses viticoles retournées à un état plus sauvage, je souhaite montrer au groupe un Ophrys proche de drumana, qui le remplace dans le sud. Après d’intenses recherches, nous trouverons seulement deux pieds de cet Ophrys aurelia ! je suis étonné car il était jusque là assez abondant sur ce coin. Heureusement, nous pouvons profiter d’un bon nombre d’Ophrys lutea encore corrects malgré le fait que ce soit une espèce assez précoce. Il y a aussi pas mal d’Ophrys fuciflora, dont une bonne proportion commence doucement à ressembler à Ophrys scolopax. Il faut dire que nous sommes en limite d’aire pour ces deux espèces. Il est parfois franchement difficile de se prononcer dans la détermination. Comparé à la veille, le site est cependant un peu décevant niveau orchidées. Quelques glaïeuls des moissons égayent la garrigue à thym dont l’odeur nous enivre. Cette fleur est très gracieuse, on se régale ! Dans le thym encore en fleur, j’espère trouver un diablotin : il s’agit de la forme juvénile de l’Empuse, une belle mante religieuse. Finalement à force de chercher, c’est un autre insecte méditerranéen que je dégotte avec un peu de chance : un bel individu juvénile de Magicienne dentelée, une sauterelle carnivore, qui prédate essentiellement les autres orthoptères. Certains participants au stage photo commencent à avoir les yeux bien affûtés et réussissent à trouver et photographier une belle mais toute petite araignée: la Saltique de Sloane, dont le mâle possède un abdomen rouge-orangé et noir. Chacun peut donc s’exercer pour ce dernier jour sur des sujets plus ou moins farouches et affiner sa technique de la macrophotographie.

Saltique de Sloane, Ophrys lutea & Magicienne dentelée


Aphyllanthe de Montpellier & Glaïeul des moissons

Rendez-vous en mai 2024 pour la 8ème édition de ce stage photo Orchidées sauvages.

Note à propos d’Ophrys fuciflora

Cette espèce est actuellement subdivisée en plusieurs espèces ou sous-espèces différentes, selon les auteurs. Actuellement, pour bon nombre d’orchidophiles français les Ophrys fuciflora que l’on observe en Vercors drômois seraient à nommer Ophrys fuciflora sub.sp. demangei. Sur le site ardéchois du dimanche, la présence d’Ophrys scolopax est mentionnée, mais les Ophrys observés semblent également appartenir à Ophrys fuciflora sub.sp. demangei. Il est possible que des formes intermédiaires avec O. scolopax viennent compliquer notre tache pour identifier correctement ces plantes.  La situation taxinomique d’Ophrys fuciflora est loin d’être réglée et pour des raisons de commodité, j’ai nommé Ophrys fuciflora au sens large tout ce que nous avons observé et qui s’y rapprochait. Pour ceux souhaitant en savoir plus, voici un peu de lecture -> https://www.persee.fr/doc/linly_0366-1326_2016_num_85_3_17885

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