Aubrac, comme un hiver sans neige…

 

18 janvier, veille de ce nouveau stage photo hivernal en Aubrac, le plateau se déroule devant moi sous une pluie froide, vierge de neige. Les prés orangés parsemés de blocs de granit prennent plus que jamais sous le ciel chargé des airs de lande écossaise. L’Aubrac envoûte, même sous la pluie !

Dans la nuit le givre recouvre d’un voile blanc arbres, prés et rochers. Les maisons se recroquevillent sous un froid mordant à -10°C. La torpeur bleutée sous le givre est un vrai bonheur, qui malheureusement ne durera pas…

Il faut se résoudre à l’évidence : nous n’aurons pas de neige, mais des conditions automnales après une courte résistance du givre. Il en va ainsi de la photo dans la nature : on rêve d’estampes délicates au pinceau de l’hiver, il faudra faire avec la lourdeur de la terre et les herbes mortes. Au photographe de rebondir, d’accueillir sans regret et d’apprendre à voir, malgré tout !

La déception vite avalée, nous partons pleins d’entrain récolter les beautés que nous réserve cet Aubrac-là, à coup sûr…  Une première séance photo en noir et blanc pour s’initier au jeu du graphisme des formes et des textures, et c’est parti !

Les nuits froides nous offrent heureusement des aurores pastel et des mosaïques de glace au sol. Amplifié par la présence discrète d’un buron, l’espace nous captive et nous transporte : l’esprit de l’Aubrac est bien là, à nous de chercher et d’ouvrir les yeux !

Photo en pose longue et jeux de lumière sur la glace

Puis nous partons en quête de glace : le creux du vallon sous la cascade de Déroc nous comblera ! Les formations de glace tout au long du cours d’eau nous offrent de belles compositions en poses lentes, entre ombre et lumière.

Photographier les arbres : un sujet inépuisable

En journée, sous un ciel souvent trop vide, les sous-bois et les lisières de hêtres somptueux nous accueillent. Quel plaisir de jouer alors dans le contre-jour avec le graphisme et la dynamique des branches ! Au grand angle, les hêtres séculaires deviennent des monstres marins étirant leurs tentacules menaçantes… Un bel exercice de composition dont nous partageons les résultats dans nos séances d’analyse d’image.

Les interprétations possibles de l’arbre sont variées : silhouettes, expositions multiples, filés… nous passerons pas mal de temps en expérimentations diverses au milieu des arbres, sur des sites très différents.

Raconter l’Aubrac en photo …

L’autre facette de l’Aubrac est son austérité minérale : sous la fine chapelure de terre masquant à peine les cicatrices volcaniques, la pierre est partout. Orgues basaltiques de la cascade du Déroc, chaos granitiques épars couvrant le plateau… Ne nous y trompons pas, ici rien de donné. Chaque espace est gagné sur la pierre, au prix d’un labeur millénaire pour faire paître les bêtes entre les murets de granit arrachés au sol.

En Aubrac, le photographe doit aussi dire la pierre, raconter le chaos des origines à peine recouvert, à peine apprivoisé par l’homme.

Depuis longtemps au fil de mes passages en Aubrac je cherche les plus beaux chaos granitiques au sommet des « puech » ces petits monts épars sur le plateau. Ils ressemblent un peu à leurs cousins plus prestigieux, les « tors » du lointain Dartmoor … Justement je viens d’en découvrir un nouveau il y a deux jours ! Il est chaotique à souhait, multifaces, multiforme : un vrai terrain de jeu pour photographes. J’y emmène le groupe pour un dernier lever de soleil qui nous offrira une magnifique séance ! Chacun déambule entre les blocs, scrutant les formes changeantes et attendant la lumière, alternant photos en couleur et en noir et blanc. Nous aurons peine à quitter les lieux pour une dernière séance d’analyse d’images !

Dernier cadeau de ce séjour sans neige en Aubrac qui nous aura réservé comme d’habitude de bien belles surprises ! Rendez-vous est donné maintenant pour nos prochains stages en Aubrac en septembre, ou en octobre pour poursuivre le jeu en couleur et en noir-et-blanc !

Loïc